«An die Ferne Geliebte», «Der Kuss» et «Seufzer eines Ungeliebten»
Daniel Behle, Tenor
Jan Schultsz, pianoforte
«An die Ferne Geliebte» op. 98
(texte: Alois Jeitteles)
«Aus Goethes Faust» op. 75 Nr. 6
(texte: Johann Wolfgang von Goethe)
«Liebes-Klage» op. 82 Nr. 2
(texte: Pietro Trapassi)
«Mit einem gemalten Band» op. 83 Nr. 3
(texte: Johann Wolfgang von Goethe)
«An die Hoffnung» op. 94
(texte: Christoph August Tiedge)
«Der Kuss» (Ariette) op. 128
(texte: Christian Felix Weisse)
«Seufzer eines Ungeliebten» WoO 118
(texte: Gottfried August Bürger)
«Busslied» op. 48
(Text: Christian Fürchtegott Gellert)
«Maigesang» op. 52
(Text: Johann Wolfgang von Goethe)
Enregistré le 14 août 2020 à Saanen
Chanteur et compositeur caméléon, Daniel Behle rencontre autant de succès à la scène, à l’opéra qu’en récital. Son répertoire embrasse plusieurs siècles, du baroque à l’époque contemporaine. Il se produit avec des phalanges telles que la Staatskapelle de Dresde, les Orchestre philarmoniques de Berlin et de Vienne, l’Orchestre symphonique de la Radio berlinoise et la Bachakademie de Stuttgart. En octobre 2019, il présente son programme «MoZart» à la Philharmonie de l’Elbe en compagnie de l’orchestre baroque L’Orfeo. Début 2020, il est soliste dans l’oratorio Elias de Mendelssohn aux côtés de Daniel Harding et de l’Orchestre de Paris, ainsi que dans Le Chant de la Terre de Mahler avec Sylvain Cambreling et les Hamburger Symphoniker. Il est également invité avec la Lautten Compagney de Berlin au Festspielhaus de Baden-Baden, au festival Klangvocal de Dortmund et aux Händelfestspiele de Halle. En mars 2020, il vernit son nouveau projet «Behlcanto» au Théâtre de Schweinfurt avec le Quatuor Alliage. Courtisé par les plus grandes maisons d’opéra, il a récemment fait ses débuts en Lohengrin au Théâtre de Dortmund et à la Staatsoper de Stuttgart.
Jan Schultsz est actif à la fois comme chef d’orchestre, musicien de chambre, accompagnateur de lied et intendant de festival: un éclectisme qui l’accompagne depuis ses débuts. Comme chef lyrique, il est actif au Norske Opera d’Oslo, à l’Opéra d’Etat hongrois de Budapest et à l’Opéra royal de Wallonie à Liège. Il a fondé en 2000 «Opera St. Moritz», dont il a assuré la direction artistique jusqu’en 2012. Depuis 2008, il est également intendant de l’Engadin Festival, l’un des plus anciens rendez-vous musicaux de Suisse. Comme accompagnateur, Jan Schultsz collabore avec les chanteurs Cecilia Bartoli, Vesselina Kasarova et Werner Güra. Au disque, il signe la première intégrale mondiale de l’œuvre pour piano du compositeur suisse Joseph Joachim Raff.
Contrairement à un Schubert ou à un Schumann, Beethoven n’est pas spontanément associé au lied: chantre de la grande forme – de l’Homme héroïque plus que du Moi fragile et hésitant –, celui-ci lui paraît-il un terreau d’expression par trop intimiste? Il n’empêche qu’il lègue la postérité un peu moins d’une centaine de mélodies (auxquelles on peut ajouter 131 Volkslieder [Mélodies populaires] cataloguées sous le numéro d’opus 108), qui voient le jour entre sa prime jeunesse et les premières années du 19e siècle. Destinées au cadre privé, beaucoup de ces pièces ne portent pas de numéro d’opus. Parmi les auteurs phares: quelques italiens et surtout des allemands, dont il se sent le porte-voix légitime à la suite de ses grands aînés que sont Carl Philipp Emanuel Bach, Joseph Haydn, Gluck et Mozart. On citera Christian Fürchtegott Gellert, Christian Ludwig Reissig, son ami Stephan von Breuning, et surtout le célèbre Johann Wolfgang von Goethe, dont on sait qu’il lui porte une admiration sans borne – il se rencontreront dans la ville d’eaux de Teplitz, en Bohème, en 1811. «Les foyers d’intérêt privilégié, nous informe Pascale Saint-André, sont de nature romantique, souvent liés au Sturm und Drang, anacréontiques, d’exaltation patriotique, religieux, panthéiste, de la veine de la Sehnsucht, à la fois désir et nostalgie, et très souvent liés au thème de la bien-aimée lointaine.»
«À la bien-aimée lointaine» – «An die ferne Geliebte»! Assurément le plus célèbre de ces opus: un cycle de six lieder, composés entre 1815 et 1816 sur des mots d’Alois Jeitteles, qui conte une véritable histoire comme le fera si bien plus tard Schubert avec ses cycles de maturité – on considère d’ailleurs cet opus 98 comme une sorte de pionnier du genre. Contrairement à la plupart des autres lieder, la voix parvient enfin à s’émanciper du cadre dominant du «roi piano», qui trouve là une fonction alternative: celle de lien entre chacune des mélodies au travers d’interludes pour le moins originaux – on n’en retrouvera que chez Janáček et Richard Strauss. L’esprit, de son côté, est du côté du Volkslied. Quant à la fameuse «bien-aimée lointaine», personne n’a jamais su dire qui elle était… pour autant que Beethoven (ou Jeitteles) ait pensé à quelqu’un en particulier: «Si l’année 1816 est effectivement pleine de la nostalgie d’une femme, fait remarquer Pascale Saint-André, [elle] garde son mystère et l’anonymat qu’elle insuffle à cette création intime où Beethoven magnifie son émotion».