Contrapunctus IV

Quatuour Chiaroscuro ‒ L’Art de la Fugue

Quatuour Chiaroscuro joue L’Art de la Fugue.  1745. Les Prussiens assiègent Leipzig. Bach vit avec hantise ces journées noires sans cesser d’écrire. Les combats terminés, il se rend à Berlin pour visiter son fils. «Le vieux Bach est là», entend-on à son approche. L’employeur de Carl Philipp Emanuel ne lui laisse pas le temps de défaire ses valises: il le met immédiatement à l’épreuve d’un piano-forte à l’autre du palais. Jusqu’à cette fameuse fugue à six voix sur un thème de Frédéric le Grand que Bach ne parvient pas à improviser sur le moment. Piqué dans son honneur, Jean-Sébastien se met au travail dès son retour à Leipzig et envoie quelques jours plus tard au monarque ce qui deviendra son Offrande musicale.

L’Art de la Fugue

Bach franchit un pas supplémentaire vers «l’absolu» lorsqu’il met sur le métier en 1747 L’Art de la Fugue. «Il ne voulait pas accomplir autre chose que de tout résumer en cette ultime clarté et tirer l’émerveillement des plus grands risques», écrit Luc-André Marcel dans sa remarquable biographie parue au Seuil en 1961.

Une légende romantique

Le musicien ne brave pas seulement le ciel: il met à l’épreuve son propre corps qui est en train de l’abandonner. Souffrant d’une myopie congénitale, il perd la vue. Le Conseil municipal l’apprend et – fidèle à son ingratitude – prépare sa succession. Bach «résistera» plus d’une année au chef d’orchestre Harrer que l’on appelle de Dresde. Le recours à un oculiste anglaise réputé, Taylor précipite les choses. Les deux opérations qu’il pratique sont un désastre. Sentant sa fin venir, Bach dicte à son élève Altnikol le choral Seigneur, me voici devant ton trône. Une crise d’apoplexie suivie d’une forte fièvre ont raison de lui le 28 juillet 1750. Il a 65 ans. Une note posthume apposée sur la dernière page du manuscript inachevé de L’Art de la Fugue par Carl Philipp Emanuel a fait croire un temps que le musicien avait rendu son dernier souffle en dictant la 14e et ultime fugue «où se trouve le nom de BACH en contre-sujet». Légende romantique.